- white lips, pale face.

she got her head in the clouds.

BLACKPOOL (UK), FOUR YEARS AGO - Tu te sens légère. Tu le regardes de tes grands yeux, tu le perçois. Lui, dans son intégralité. Avec ses défauts et ses qualités. Tu vois un tout merveilleux, insaisissable. Alors qu’il te parle du monde, de lui, de vous, tu as du mal à te concentrer. Il te semble difficile de croire que tu ne le connais que depuis dix jours. Et pourtant, tu ne peux te passer de lui. Malgré des débuts difficiles, tu frémis à l’idée de le retrouver, de passer du temps à ses côtés. Vous êtes bien différents sur la plupart des points, mais tu as le sentiment qu’il te complète. Que vous êtes les deux pièces d’une même âme. Cela semble fou. Mais, ta crise de larmes, ce matin, alors que tu t’es rendue compte que tu devrais attendre onze heures pour le revoir, te conforte dans l’idée que vous êtes tels deux cœurs battant à l’unisson, que tu ne veux plus le quitter. Tu n’as d’yeux que pour lui, malgré toi. Parce que, si lorsque tu l’as vu sur ce plateau de tournage, en train de t’observer, tu l’as détesté, en fait tu es tombée amoureuse de lui. Instantanément, irrévocablement. Il est beau, plus que beau même. Harry, c’est un être à part. Ces yeux, ce regard, en disent plus que ses mots. La violence en est indescriptible. Sans même le savoir, cet homme avec qui tu n’as véritablement rien en commun est le bourreau des cœurs. De ton cœur. Tu n’es pas maître de tes sentiments, c’est incontrôlable, à l’image de la mer qui s’agite près de vous. Sans crier gare, Harry s’arrête de marcher, pour te faire face. « J’ai beaucoup réfléchi, Faye » Tu souffles, ne sachant si tu dois rester ou prendre tes jambes à ton cou. Tu te rapproches de lui, déposant tes lèvres contre les siennes, en un baiser chaste, tendre. Tu te recules, demeurant silencieuse. « Et … ? » demandes-tu, craignant avoir commis une erreur. Tu croises à nouveau son regard, te décompose. Tu t’apprêtes à reprendre ta route, fuir au loin, quand tu sens sa main retenir ton bras, Harry t’attirant contre lui pour t’embrasser avec plus de fougue, plus de violence. « Je ne veux plus perdre de temps. Plus jamais. J’aimerais que tu deviennes ma femme. » Les mots te frappent, te heurtent douloureusement. Telle une merveilleuse lutte, une délivrance. Tu esquisses un sourire, passes tes bras autour de son cou. Tes lèvres rencontrent les siennes, victime d‘une douce euphorie. « Oui ... Oui. » Tu déposes un nouveau baiser, reprends ton souffle, ivre de bonheur. « Oui. » Tu l’aimes. Tu l’aimes un peu trop fort, bien trop fort. Tu l’aimes à t’en faire mal.


NEW YORK (USA), TWO YEARS AGO - Tu ouvres difficilement l’œil. Tu t’attends à trouver Harry étendu à côté de toi, mais le lit est vide. La lumière te fait mal, chaque partie de ton corps te semble plus douloureuse que l’autre. Vingt heures d’avion et des retrouvailles plus qu’agitées avec ton cher époux. Trois semaines, que tu ne l’avais pas vu. Trois semaines, où tu n’as fait que parler de l’amour de ta vie, à tes partenaires de tournage. De combien il te manquait, de combien tu voulais le retrouver. Parce que, lui parler sur Skype tous les deux jours, ce n’est pas tout à fait pareil. Tu as six jours devant toi. Six jours, à profiter de ton mari, dans cet hôtel de Manhattan. Six jours, à faire l’amour, rire, refaire le monde, et l’accompagner à ses dîners d’affaires. Aujourd’hui, tu n’es plus Faye Hawkes, la star de cinéma, tu es l’épouse de Harry Grebson et rien d’autre. Tu te décides à te lever, enfilant ton peignoir à même ta peau nue. « Bonjour, » murmures-tu, pénétrant dans la salle à manger. Aucun signe de tête, aucune réponse. Rien, que ton mari dissimulé derrière les pages du New York Times. Tu soupires. « Qu’est-ce qui ne va pas ? » demandes-tu, en priant que ce ne soit pas encore des histoires de boulot. Tu t’assieds, te servant une tasse de café. « A toi de me le dire, » te répond t-il avec froideur. Tu ne voix absolument pas ce dont Harry veut parler. Pourtant, vous ne vous êtes pas disputés. Tu ne vois pas ce que tu peux avoir fait de mal. « Si je te dis Colin Farrell, Festival du Film de Sydney, ça devrait te rafraîchir la mémoire, non ? » Tu fronces les sourcils. Tu aurais dû t’en douter. C’est l’un de vos principaux problèmes en tant que couple, à Harry et toi. Cette jalousie respective. « Tu te fiches de moi, j’espère ? » Tu n’as rien fait. Si ce n’est passer la soirée avec cet acteur irlandais que tu admires beaucoup. « Je suis censé penser quoi, Faye ? » Tu te lèves d’un bond. Tu ne peux encaisser de telles accusations. Accusations basées sur des photos, où l’on te voit en vive conversation, en compagnie d’un autre acteur, au sein d’un festival international. « Tu es censé savoir que ces rumeurs sont infondées, comme toujours ! Bon sang, j’ai juste discuté avec cet homme ! » Tu es hors de toi. En colère, face à cette absence de confiance. « Mais je n’aime que toi, espèce de crétin ! » ajoutes-tu. Et tu le vois se détendre, Harry. Tu le sais, il a besoin de l’entendre. D’être assuré de cet amour que tu lui voues. Tu croises son sourire, et tu éclates de rire. Vous éclatez de rire, tellement qu’il doit te rattraper de ses bras puissants, t’empêchant de finir les fesses par terre. Sur ses genoux, blottie contre lui, tu te laisses aller, pour une fois.


LONDON (UK), ONE MONTH AGO - Tu es rentrée plus tôt que prévu. Ce soir-là, tu comptais faire une surprise à Harry. Arrivée à Londres avec un jour d’avance, ton dernier tournage terminé. Si tu as apprécié ces prises à Virginia Beach, et que tu es convaincue qu’il s’agit d’un rôle en or, que tu as joué sous l’œil de la caméra, tu étais plus impatiente de rentrer que jamais. Tu sais que tu restes en ville pour un bon moment. Tu retournes pour quelques temps à ton premier amour, le théâtre. Si cela fait des années que tu n’aies pas monté sur scène, tu es heureuse de fouler les planches de nouveau. Surtout pour jouer Les Hauts de Hurlevent. Si tu as toujours rêvé de jouer Catherine, tu es encore plus heureuse de par l’idée de pouvoir travailler et être auprès de Harry. Tu as renvoyé votre bonne chez elle, décidant de préparer le dîner pour ton mari. Si ce n’est pas dans ton habitude de cuisiner, tu suis les instructions trouvées sur Internet à la lettre. Tu es tellement dedans que tu sursautes au bruit de la sonnette. Tu lâches ton couteau de cuisine, trottines jusqu’à la porte. Tu l’ouvres, te retrouvant nez-à-nez avec une grande femme brune, que tu ne reconnais pas. « Mrs Grebson ? » Tu ne sais ce qui te choque le plus. Le fait que tu trouves cette femme dans ton entrée, à sept heures du soir, ou le fait qu’elle t’appelle par ton nom d’épouse. Non que cela te déplaise, mais tu n’y es tout simplement pas habituée. « Oui. Vous êtes … ? » demandes-tu. Ton ennui se lit clairement sur ton visage. Tu n’as pas envie de lui parler. Tu es fatiguée. Tu veux retourner à ta cuisine, préparer à manger pour ton mari, comme toute femme qui se respecte. « Je m’appelle Tatiana, et Harry et moi, nous nous aimons. » Tu te liquéfies sur place. Tu as du mal à penser, à dire quoi que ce soit. Tu as la sensation que le sol se dérobe sous tes pieds, que ton monde s’effondre. « Qu’est-ce que vous voulez ? » Tu te surprends toi-même. Si ton ton est sec, tu demeures étrangement calme. Trop calme. « Je veux que vous demandiez le divorce. Je veux être avec Harry. Vous ne l’aimez plus, et il ne vous aime plus. » Tu te crispes. Comment pouvait-elle oser ? Comment osait-elle se pointer chez toi, et te sortir des choses pareilles. « Sortez de chez moi. » Tu refuses de l’entendre plus longtemps, de l’entendre répandre ses mensonges. Tu aimes Harry. Harry est amoureux de toi, tu veux y croire. Mais, elle ne bouge pas d’un millimètre. « Si tu crois réellement qu’il ficherait en l’air son mariage après ce que tu as fait, c’est que tu le connais mal. Alors, sors de chez moi tout de suite, ou j’appelle la police. » Sale garce. Tu claques la porte. Tu te laisses glisser à terre, les larmes aux yeux. Maintenant que tu es seule, tu n’es plus obligée d’être aussi stoïque.