til the love runs out / oona.

Miles Duncombe n’appréciait pas particulièrement passer ses soirées chez lui, à attendre que le temps passe. Bien au contraire. Ayant fait depuis peu son entrée dans le monde adulte en achetant son premier appartement dans le quartier huppé de Chelsea, il mettait un point d’honneur à retrouver ses précieux « mates » au moins trois à quatre fois par semaine. Et même si Miles Duncombe vivait désormais comme un homme d’âge mûr, rien ne l’empêcher de retrouver sa connerie légendaire lors de ces soirées dans des bars tendances de la capitale. Ce soir-là par exemple, assis avec semblables dans un carré VIP, deux étant déjà pleinement bourrés et Miles en prenant doucement mais sûrement le chemin, ils ne se privaient de rien. A l’heure actuelle, l’addition s’élevait autour des £500, un maigre chiffre pour la petite bande d’Oxford. Bien évidemment, aux bouteilles d’alcool s’ajoutaient la compagnie de charmantes demoiselles, de quoi ravir le sieur Duncombe. Et ses autres amis également, bien que trois d’entre eux furent déjà plus ou moins en couple. Mais évoquer ce sujet lors d’une soirée qui leur était réservée relevait du tabou. La fidélité, l’engagement, l’amour et tout le blabla qui suivait donnait de l’urticaire à Miles rien qu’en y pensant. Il se prenait pourtant au jeu en flirtant ouvertement avec Cressida à chaque fois qu’il la rencontrait. Mais Cressida, sa douce Cressida, n’était point aussi agressive que celles qu’il lui arrivait de séduire et qui se pensaient assez intelligentes pour croire qu’elles finiraient leur vie à ses côtés. Des conneries. Des conneries que Miles écoutait toujours d’une oreille distraite avec son éternel sourire narquois. Aucune n’arrivait à la cheville de Cressida. Mais passons. Son ex était la dernière de ses préoccupations. Las de rester assis, Miles finit par se lever pour aller danser brièvement avec la grande brune sur laquelle il avait jeté son dévolu pour la soirée. Commune, loin d’être canonissime, il la délaissa bien vite pour aller soulager sa vessie aux toilettes avant de revenir en direction du bar afin de prendre un énième verre de whisky dans sa longue descente aux enfers. L’homme but une longue gorgée et s’apprêtait à retrouver sa bande de dépravés lorsqu’une silhouette féminine attira son attention. Des cheveux d’un blond lumineux, un visage fin, une vision d’un autre monde, il ne fallut guère longtemps au sieur Duncombe pour la reconnaître. Oona. Oona Gainsborough. Même si Cressida était particulièrement belle, Miles avait toujours été captivé par l’aura que dégageait son autre ex, celle à qui il avait allègrement brisé le cœur sans le moindre ménagement. S’il s’était foutu royalement de ce que la jeune femme avait pu ressentir à l’époque, il ne pouvait parfois s’empêcher de se sentir légèrement coupable d’avoir été aussi crétin. Crétin de s’être fait prendre en plein dans l’acte. Et crétin d’avoir reporté la faute sur elle. Mais malheureusement, il n’y pouvait rien. Sa mauvaise foi prenait le dessus et il ne faisait rien pour l’en empêcher. Elle aurait dû s’en douter, comme les autres, qu’il n’était pas le petit ami à promener en laisse, surtout quand on lui faisait du gringue. Miles s’avança donc dans sa direction, son éternel sourire narquois et posa son verre sur le bar à ses côtés. « Oona Gainsborough. Quelle surprise. » Le ton de sa voix se voulait charmeur, comme à son habitude. Même à moitié ivre, Miles réussissait toujours à apparaître sous son meilleur jour, ce qui n’était guère donné à tout le monde. « J’ignorais qu’il t’arrivait de venir ici. », continua-t-il en la regardant droit dans les yeux. « Toujours aussi ravissante à ce que je vois. » Une gorgée du liquide ambré avant de reprendre la conversation. « Quel malpoli je fais. » Et sans qu’Oona n’eut le temps de répondre quoi que ce soit, l’homme commanda son cocktail préféré. Il ne prévoyait pas de passer toute une soirée à ses côtés mais juste de prendre de ses nouvelles, histoire de savoir comment se passait sa vie sans avoir Miles Duncombe avec elle.

Rouge à lèvres carmin. Tenue simple tout en étant élégante et attirant automatiquement le regard de toute personne qui croiserait son chemin. Les cheveux légèrement ébouriffées. Une glace qui lui renvoyait une image qu'une ancienne part de son être n'aurait jamais pensé connaitre. Oh non, si l'ancienne Oona voyait la nouvelle, sans doute partirait-elle en courant, rouge pivoine de voir les petits changements qui s'étaient infiltrés dans son être. Insidieusement, petit à petit, douloureusement. Mais la nouvelle Oona ne désirait en aucun cas redevenir cette ancienne vielle fille, trop de chemin avait été fait, trop de douleur s'était infiltrée pour retenir vers ce sentier mortel. A quoi bon attendre le prince charmant ? A quoi bon croire qu'un tel être peut exister alors que le monde n'est rempli que de salaud. Oh non, l'ange bond avait décidé de les prendre pour ce qu'ils étaient : des séducteurs qui n'attendaient que le moment opportun pour s'immiscer entre ses cuisses. Et à ce jeu, elle était bien rapidement, peut-être même un peu trop devenue assez douée. L'ancienne Oona aurait été scandalisée d'observer sa nouvelle personne dans un tel lieu. Son agilité à déambuler dans l'assistance, à ne nullement s'intéresser au côté branché de l'endroit. Non, tout cela lui paraissait si ce n'est normal du moins fortement  agréable. Oui, l'ambiance feutrée du lieu lui renvoyait ses propres envies qu'elle ne tentait plus d'étouffer. Non elle se laissait happer par tout ce qui l'entourait, se fondant dans son environnement.  Son pas léger et délicat la poussa vers l'un des fauteuils libres. Se laisser le temps de repérer les lieux, d'observer les personnes aux alentours et de les laisser vernir à elle. Sa blondeur avait toujours été un atout au même titre que cet air un peu candide qui ne disparaissait jamais vraiment de ces traits. Si pendant longtemps la douce avait préféré oublié sa beauté, il n'en était plus question maintenant. La jeune Gainsborough se jouait de ses atouts pour se magnifier, pour tenter quelques cibles potentielles et les amener à la séduire. Cela ne tarderait pas à arriver. Une première proie. Un premier échec. Au lieu de lui donner envie de passer un peu plus de temps en sa compagnie, tout ce que faisait l'homme c'était lui donner envie de partir au courant. Trop intéressé par sa vie. Trop gentil. Un poil trop ce qu'elle appréciait autrefois. Sans doute lui manquait-il ce petit verre qui lui aurait permis d'apprécier un peu plus sa compagnie. Tout en douceur, elle posa son regard sur le sien avant de délicatement le rembarrer, prétextant qu'elle attendait une amie qui ‘allait pas tarder. Une excuse comme tant d'autres qui avait simplement le mérite de marcher. S'installant finalement au bar afin de profiter d'un petit verre bien mérité, la demoiselle s'apprêtait d'ailleurs à commander lorsqu'une silhouette vint se poser à ses côtés. Une allure qu'elle reconnaitrait entre milles. Etonnant après deux ans, peut-être pas…« Oona Gainsborough. Quelle surprise. »   Sa voix n'avait pas changé, toujours porter par ce charme qu'il envoyait à tout va. Sans aucune retenue, elle le détailla de la tête à pied certain qu'il ferait de même comme l'homme qu'il était. S'il n'avait nullement perdu de sa superbe, elle se doutait à la coloration de son regard qu'il n'en était pas à son premier verre. Miles Duncombe en train de boire, cela n'avait vraiment rien d'exceptionnel. Ce qui l'étonnait plutôt c'était ses propres réactions. L'ancienne Oona n'aurait pas attendu une seule seconde avant de le frapper, de lui donner ce qu'il méritait encore mais elle n'était plus cette fille. « J'ignorais qu'il t'arrivait de venir ici. »  Un léger rire sorti de ses lèvres doucement ouvertes. Oui, l'ancienne Oona ne venait pas dans ce genre d'endroits de son plein gré mais tellement de choses pouvaient changer en peu de temps. Il suffisait d'un briseur de cœur accompagné d'un cœur qu'il pouvait aisément brisé.  « Miles Ducombe, il est surprenant de te revoir. Pas ici, cela n'est pas vraiment surprenant mais être face à toi l'est davantage. » Son sourire se faisait légèrement taquin et malicieux. Oh non, il n'y avait plus aucune rancœur dans son être, elle était passée à autre chose en abandonnant ses parcelles d'elle-même qui ne pouvaient pas avancer au même rythme que ses envies. « Toujours aussi ravissante à ce que je vois. » Elle aurait sans doute rougit autrefois à l'entente de ses mots mais cela ne provoquait plus chez elle qu'un sourire malicieux et un regard sans aucune retenue. Oh non, elle n'agissait plus comme avant et il ne savait pas encore à quel point. « Toujours aussi charmeur à ce que j'entends. » Elle n'était plus effrayée de lui répondre ou même de laisser sortir l'idée qui lui venait en tête. Ses limites avaient changé. Ses envies aussi et elle n'allait plus être la pauvre victime qui croyait aveuglement les paroles d'un homme qu'elle pensait fidèle. « Quel malpoli je fais. » Un éclat d'étonnement se posa dans ses prunelles. Ce n'était pas tellement le fait qu'il lui paye un verre mais plutôt qu'il se souvienne de ce qu'elle préférait boire à une époque où ses gouts étaient encore relativement limités. C'était en sa compagnie qu'elle l'avait gouté pour la première fois. « Ton impolitesse vient toutefois d'être sauvée par tes souvenirs. Très agréable de ta part de te souvenir de mon cocktail préféré après tout ce temps. »  Délicatement, elle laissa le liquide ambrée rentrer dans sa bouche, le savourant petit à petit avant de reposer son verre et de poser son attention sur l'homme à ses côtés. « Que devient donc le grand Miles Duncombe  deux ans plus tard ? » Cette question amenait chez elle une certaine curiosité qui n'était pourtant pas chargée de ce qu'elle avait pu ressentir autrefois. Même si une autre question lui brulait les lèvres. Une question qu'elle ne poserait pas. Combien de cœurs as-tu brisés ?